Maladies | Rétinopathie pigmentaire
Qu'est-ce-que la rétinopathie pigmentaire ?
Synonymes : Retinitis pigmentosa, rod-cone dystrophy, cone dystrophy, cone-rod dystrophy.
Le terme rétinopathie pigmentaire (RP) regroupe un ensemble hétérogène d'atteintes rétiniennes héréditaires se caractérisant par une dégénérescence bilatérale progressive des photorécepteurs (bâtonnets et cônes) qui conduit à une cécité nocturne et à une atteinte progressive du champ visuel. Elles aboutissent souvent à la cécité. La vitesse d'évolution et l'importance de la perte de vision varient d’un patient à l’autre. La plupart des patients atteints de RP sont considérés comme aveugles, selon la définition légale, dès l'âge de 40 ans.
On distingue :
- Les RP non syndromiques pour lesquelles l’atteinte est ophtalmologique pure ( 70 à 80 % des cas de RP)
- Des formes syndromiques pour lesquelles d’autres organes sont atteints en plus de l’œil. Cela concerne 20 à 30% des RP. Les plus communes (parmi la trentaine répertoriée) sont :
- Le syndrome de Usher qui associe une surdité
- Syndrome de Bardet-Biedl associe un retard mental, une polydactylie, une obésité et un hypogonadisme, avec parfois malformations rénales.
- La maladie de Refsum.
- Le syndrome de Bassen-Kornzweig.
- La maladie de Batten.
Le taux de prévalence des formes typiques de RP est estimé à environ 1 cas pour 3.000 à 5.000 personnes. Il y a environ 1,5 millions de patients atteints de RP dans le monde et environ 30000 en France.
Les signes cliniques
Dans la RP, la mort prématurée des photorécepteurs (bâtonnets et cônes) expliquent les symptômes décrits par le patient. Dans les formes typiques appelées rod-cone dystrophy ce sont les bâtonnets qui sont massivement atteints en premiers. Dans des formes plus rares ce sont les cônes qui disparaissent en premier (cone-rod dystrophy) : dans ces quelques cas l’ordre des symptômes est inversé. Le diagnostic est généralement posé chez de jeunes adultes mais la date de début de la RP peut s'échelonner de la petite enfance jusqu'à la trentaine ou la cinquantaine Comme la RP typique (bâtonnets-cônes) touche principalement les fonctions des bâtonnets, les symptômes les plus fréquents au début de la maladie sont :
- une cécité de nuit (nyctalopie) suivie par
- des pertes du champ visuel mais avec une préservation de l'acuité visuelle centrale jusqu'à un stade avancé. Le rétrécissement progressif du champ visuel (généralement décrit dès l'adolescence) est un symptôme caractéristique de la maladie. Les déficits du champ visuel peuvent initialement se présenter comme des petits scotomes asymptomatiques qui vont évoluer vers une configuration de « tunnel » à un stade plus avancé. La vitesse de progression est lente mais inexorable.
Puis, les patients souffrent de troubles visuels à type de:
- Baisse d’acuité visuelle.
- Troubles de la vision des couleurs : ils sont tardifs dans la maladie et surviennent quand l’acuité visuelle centrale est inférieure à 5/10. Un déficit de la fonction bleue des cônes (tritanopie acquise) est caractéristique d'une forme avancée de RP. De légers troubles dans l'axe de couleur bleu-jaune sont fréquents mais les patients se plaignent rarement spontanément de troubles importants de la perception des couleurs.
- photophobie : survient à un stade avancé de la maladie.
- photopsie : est un symptôme fréquent chez les patients atteints de RP bâtonnets-cônes qui perçoivent des petits éclairs lumineux dans le champ de vision périphérique
Autres manifestations cliniques :
- Cataracte précoce chez les patients atteints de RP (jusqu'à 50 % des adultes souffrant de RP).
- Une perte de sensibilité au contraste.
- L'association à une myopie varie selon les différentes sous catégories de RP, avec une fréquence plus élevée décrite dans la RP liée à l'X.
Dans les cone-rod dystrophy, les cônes de la région fovéolaire sont les premiers touchés : les premiers signes sont donc une baisse d’acuité visuelle et des troubles de la vision des couleurs ; les signes plus caractéristiques de l’atteints des bâtonnets que sont la nyctalopie et le rétrécissement du champ visuel périphérique s’installent donc dans un deuxième temps.
Le diagnostic
Il repose sur :
- Une éventuelle histoire familiale et l’’examen du fond d’œil (effectué chez le patient et les membres de sa famille) montre de façon bilatérale :
- Au début aucune anomalie puis
- Des amas intrarétiniens de pigments (appelés ostéoblastes).
- Des vaisseaux rétiniens grêles
- Une pâleur papillaire
- Une éventuelle cataracte sous capsulaire postérieure
- Le champ visuel permet de définir la sévérité d’atteinte du champ visuel périphérique.
- Les clichés en autofluorescence permettent de cartographier les zones de perte de photorécepteurs et est utile dans le suivi clinique
- L'électrorétinogramme (ERG) est l'examen le plus important pour le diagnostic de RP. Il étudie de façon objective l'état fonctionnel des photorécepteurs et a une sensibilité suffisante pour détecter même une atteinte modérée de la fonction photoréceptrice. Les réponses obtenues dans des conditions adaptées d'obscurité reflètent généralement la fonction des bâtonnets et celles obtenues dans des conditions adaptées de luminosité la fonction des cônes. Il est ainsi possible de différencier la réponse des bâtonnets de celle des cônes, ce qui permet de définir le type et le niveau d'extension de l'atteinte.
- Certains tests de génétique moléculaire peuvent être proposés dans certains cas.
D’autres examens peuvent être effectués mais sont plus utiles pour déterminer des lésions associées et préciser la fonction visuelle:
- L’OCT permet d’évaluer la ligne des photorécepteurs, l’épaisseur de la neurorétine et de dépister un éventuel œdème maculaire qui sera alors à traiter.
- La vision des couleurs, la sensiblité aux contrastes
Transmission et génétique
La RP se transmet selon des modes très variés. Le risque de transmission aux enfants est différent selon chaque type d’hérédité.
Quand on diagnostique une rétinopathie pigmentaire chez un patient, il est important d'examiner la famille à la recherche de marqueurs cliniques de l'affection. Ces anomalies minimes signeront le caractère familial de l'affection, ce qui doit entraîner la création d'un arbre généalogique. Il permettra de mieux appréhender la transmission de l'affection et d'envisager un conseil génétique pour la descendance.
De façon générale :
- Les cas sporadiques de RP représentent 45% des malades.
- Les 55% de cas familiaux se répartissent ainsi:
- Dominants autosomiques : 15 à 20 % des RP. Dans ce cas, il suffit qu’une seule des 2 copies du gène concerné soit anormale pour que la maladie s’exprime. A chaque grossesse le risque d’avoir un enfant atteint pour le patient malade est de 50%.
- Récessifs autosomiques 20% à 25%. Dans ce cas, il faut que les 2 copies du gène concerné soient anormales pour que le patient exprime la maladie. Dans le cas d’un couple avec un enfant atteint, le risque à chaque grossesse d’avoir un enfant malade est de 25% (chaque parent transmet alors une copie du gène malade).
- Récessifs lié à l'X 10 à 15%. Si c’est le père qui est atteint, ses fils, à qui il transmet son chromosome Y ne seront pas malades, ses filles seront conductrices mais non malades, les fils de ses filles seront atteints dans 50% des cas, les fils de ses fils seront indemnes.
- Mutations de l’ADN mitochondrial et formes digéniques plus rares.
Dans tous les cas, il est fortement conseillé de prendre un rendez-vous enconsultation de génétique (dans un centre de génétique médicale) pour une évaluation précise du risque et pour recevoir les explications appropriées avant tout désir de grossesse.
Leur grande hétérogénéité phénotypique (l’aspect clinique) et génotypique (les mutations génétiques en cause) rend l’étude des RP complexe et le conseil génétique difficile pour les familles. Une même maladie peut apparaître si différents gènes sont mutés ; des mutations différentes affectant le même gène peuvent donner des phénotypes identiques ou différents. Des facteurs environnementaux ou l'expression d'autres gènes semblent importants pour l'apparition de la maladie.
Il semblerait que la sévérité de la maladie dépendrait du type de transmission génétique. Ainsi les formes autosomiques dominantes seraient les moins graves, alors que les formes récessives ou liées à l'X seraient plus graves.
La découverte en 1989 du gène responsable de la RP d'une famille irlandaise, localisé sur le bras long du chromosome 3 a été le prélude de recherches qui ont permis d’identifier plus de 45 gènes différents impliqués dans les RP non syndromiques ; la plupart des mutations touchent sélectivement les bâtonnets et provoquent, par un mécanisme inconnu, la mort par apoptose des cellules à bâtonnets.
Au total, les mutations des gènes RHO, USH2A and RPGR sont à l'origine d'environ 30 % de l'ensemble des cas de RP.
Le traitement
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement permettant de guérir de la RP.
1/ Quelques précautions peuvent ralentir la progression de la maladie et aider le patient à gérer son quotidien
- Le port de lunettes de soleil bloquant les ondes de faible longueur d'onde avec des protections latérales teintées, est conseillé aux patients atteints de RP pour sortir dans la journée.
- Un apport en vitamine A pourrait ralentir l’altération des cônes et des bâtonnets. Cet effet bénéfique reste encore très discuté par la communauté médicale. La prescription de palmitate de vitamine A est faite sous surveillance médicale chez les adultes (de plus de 18 ans) en bonne santé dans les formes classiques de RP. Le schéma d'administration, posologie et rythme d'administration, est variable (15.000 UI/jour ou 50.000 UI une fois par semaine). Il est conseillé d'éviter l'administration concomitante de fortes doses de vitamine E, qui peut paradoxalement accélérer l'évolution, Si ce traitement est proposé, un dosage régulier des triglycérides, des enzymes du foie et du rétinol plasmatique est réalisé par simple prise de sang. De fortes doses de vitamine A sont tératogènes et peuvent induire des lésions hépatiques. Le risque de cancer du poumon augmente également chez les patients tabagiques.
- En conséquence, il faut conseiller l'arrêt du traitement aux femmes enceintes ou souhaitant mettre en route une grossesse. Il est possible de substituer du béta-carotène au traitement par la vitamine A. Il faut enfin sensibiliser les patients à l'importance d'un régime alimentaire équilibré et comprenant des légumes verts à feuilles et des acides oméga 3 pour augmenter l'efficacité du traitement.
- La réeducation basse vision ainsi qu'une rééducation en locomotion est conseillée s'il y a un rétrécissement important du champ visuel. L’orientation professionnelle devra également être adaptée aux capacités visuelles. La RP est généralement incompatible avec la conduite automobile.
- Une prise en charge psychologique est très utile afin d’optimiser l’insertion socioprofessionnelle et d’apprendre à vivre avec une maladie progressive qui peut aboutir à la cécité.
2/ En cas de cataracte, une intervention chirurgicale est conseillée. Cette opération n’est pas différente de celle réalisée chez les personnes qui ne sont pas atteintes de RP.
3/ L'œdème maculaire cystoide, qui peut augmenter de façon significative la perte de vision chez les patients atteints de RP, répond au traitement par inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, par exemple l'acétazolamide, administrés par voie orale. Si l'œdème maculaire est important et ne répond pas à l'acétazolamide, il est possible d'envisager des injections locales de corticostéroides, même si leur efficacité reste toujours l'objet de discussions.
Sont en cours d’évaluation :
- L'acide docosohexanoique (ADH), un acide gras oméga 3 à chaînes longues, que l'on trouve habituellement dans le poisson,
- La lutéine et/ou la zéaxanthine (des pigments maculaires d'origine alimentaire),
- les antagonistes des canaux calciques (diltiazem) inhiberaient la dégénérescence des photorécepteurs,
- Certains médicaments anti-parkinsoniens avec des propriétés anti-apoptotiques
Les recherches en cours
Actuellement, les chercheurs travaillent à localiser tous les gènes responsables de la RP afin d’en améliorer le traitement.
Plusieurs pistes thérapeutiques font l’objet de travaux :
- La thérapie génique vise à corriger les mutations génétiques spécifiques. Les approches de thérapie génique ont démontré au plan expérimental leur capacité à retarder et à inverser l'évolution de la RP, ainsi qu'une amélioration de la fonction photoréceptrice dans différents modèles animaux.
- Les approches pharmacologiques étudient
- des facteurs neutrophiques : ils permettent la récupération à la fois fonctionnelle et histologique des photorécepteurs en dégénérescence dans différents modèles animaux. Ont ainsi été étudié les facteurs de croissance fibroblastiques basaux (basic fibroblast growth factors, (bFGF or FGF-2)) et les facteurs neurotrophiques ciliaires (ciliary neurotrophic factors, (CNTF), le facteur neurotrophique dérivé de la lignée cellulaire gliale (glial cell line-derived neurotrophic factor(GDNF).
- La prévention de la dégénérescence secondaire des cônes dans la RP constitue une approche très prometteuse. En effet, cette approche thérapeutique pourrait s'appliquer à beaucoup de mutations exprimées dans les bâtonnets, même à un stade tardif de la maladie. Il a été démontré que le facteur de viabilité des cônes dérivés des bâtonnets (Rod-derived cone viability factor, (RdCVF)) induit directement la survie des cônes et augmente leur nombre. Les effets trophiques du RdCVF semblent s'exercer indépendamment des mécanismes et du degré de dégénérescence des bâtonnets, ce qui représente un des principaux avantages de cette approche expérimentale.
- Les thérapies cellulaires visent à remplacer les cellules disparues. La thérapie cellulaire correspond à la ré-injection de cellules saines dans une rétine malade. L'objectif est de produire plus de cellules saines pour remplacer les cellules non fonctionnelles. Deux types de stratégies ont été développées :< >la transplantation de cellules de l’épithélium pigmentaire (dont l'objectif est d'avoir un effet bénéfique sur les photorécepteurs adjacents).
la transplantation neuronale rétinienne (dont l'objectif est de remplacer les photorécepteurs qui ont disparu). Actuellement, la transplantation fait appel à deux grands types de cellules : les cellules rétiniennes et les cellules souches. La transplantation de cellules rétiniennes consiste à introduire des cellules photoréceptrices saines dans l'hôte. Dans la transplantation de cellules souches, le patient reçoit des cellules souches saines, qui peuvent commencer à produire des cellules rétiniennes normales. Les cellules souches provenant de la moelle osseuse d'adultes ainsi que les cellules souches embryonnaires sont actuellement à l'étude. Une amélioration de la vision tant subjective qu'objective a été documentée chez certains patients avec ce type de transplantation cellulaire.
Les thérapies neuroprothétiques visent à restaurer une perception visuelle. Dans la RP, il est possible de concevoir des prothèses reprenant la fonction des photorécepteurs disparus par le biais d'une stimulation électrique des photorécepteurs sains restants de la rétine. Les dispositifs neuroprothétiques actuellement implantés font appel à la stimulation du nerf optique, de la rétine et du cortex. Les dispositifs actuellement les plus aboutis sont ceux stimulant la rétine : la stimulation de la rétine passe à la fois par des prothèses sous-rétiniennes et épi-rétiniennes (puces en photo transduction placées sur la surface de la rétine). Un courant électrique passe au travers d'électrodes placées de façon à stimuler les cellules dans les zones appropriées de la rétine.
- La Food and Drug Administration (FDA) a autorisé en février 2013 la première prothèse épirétinienne, appelée Argus II Retinal Prosthesis System destinée à traiter les patients atteints de rétinite pigmentaire évoluée
- D’autres procédés prothétiques utilisant la langue ou l’audition sont en cours de développement.